Vous voyez ces journées où tout semble banal ? Bienvenue à Gabarny. Chloé y croise des voisins un peu barges, la police du coin et ses propres questions existentielles, planquées entre deux lessives ou un sachet de Pitch vide. Parce que parfois, l’aventure commence juste en bas de chez vous.
“Commencer par le début ? Oui, vous avez raison de me le préciser. Peut-être même que je pourrais finir par la fin. Désolée… Non, je ne prends pas les policiers pour des abrutis. Mais je vous avoue que je gère mal les rapports d’autorité.
Donc ? Je suis rentrée vers… Avant ? Ah, mais ça n’a rien à voir… Bon.
Eh bien avant, j’étais à une réunion. Les BMA.On se retrouve toutes les semaines dans une sallede yoga, pas loin du pont Saint-Jacques. Hum… Les Belles-Mères anonymes. C’est un groupe d’aide et d’écoute. Vous avez des beaux-enfants ? Alors cherchez pas, vous ne pouvez pas comprendre. Vous, oui ? Ah… Vous savez, c’est ouvert aux hommes aussi. Vous devriez venir un jour, ça peut vous aider.
Bref. Ça s’est fini à 21 heures. J’ai pris le tramway n° 2, je suis arrivée chez moi vers 21 h 15, j’imagine. Dans la rue, j’ai dit bonjour à Mourad, l’épicier. Il était en train de jouer aux échecs devant son magasin.
Je cherchais mes clés quand Valérie a ouvert la porte de l’immeuble. Cette semaine, c’était à elle de sortir les poubelles collectives. On fait ça à tour de rôle, ça coûte moins cher au proprio. Son prétexte, c’est qu’on n’est que trois logements dans l’immeuble.
Elle était… bah, normale. Désagréable. Paranoïaque passive-agressive. Elle râlait parce que la mairie a changé les jours de ramassage des ordures. Elle soupçonnait les éboueurs d’en profiter pour sauter des rues. Vous voyez le niveau de la meuf… Une personnalité typiquement reloue. C’était une discussion classique entre voisines. D’ailleurs, les éboueurs sont bien passés. Je les ai entendus plus tard dans la soirée. Voilà, c’est tout. Non, elle avait pas l’air perturbée. Elle était aussi pénible que d’habitude.
Son mari ? Disons qu’ils étaient bien assortis. Pas d’engueulades à ma connaissance. Lui, son truc, c’était le courrier. À chaque fois que je le croisais, il me demandait si j’avais reçu du courrier, si j’avais vu le facteur, à quelle heure. Sa théorie, c’est que la Poste n’assure plus qu’une tournée sur deux.
Pour les définir, je dirais que c’est, c’était ? Elle, elle n’a rien ? Et lui ? Il est à l’hôpital ? Oh, ça va… Vous pouvez me le dire. Grièvement blessé. OK. Donc non, rien de spécial sur eux. Personne ne venait jamais les voir. Pas de famille. Pas d’amis. Pas de vie. Je pense qu’ils n’étaient pas loin du zéro absolu de l’existence. La non-existence. Quoique, visiblement, je me trompe sur toute la ligne. Voilà. Je suis désolée mais je vois pas ce que je peux vous dire de plus.”
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